« Il avait mis autour de son cœur une sorte de forteresse, avec des miradors et des fossés profonds. » (Privé avec Maya Shy)

Je courais. Voilà maintenant deux heures que j'étais là et je courais. Mes pieds frappaient le sol de façon régulière, comme une batterie qui donnerait le rythme. Je ne sentais plus grand chose tant j'avais couru, juste la vitesse qui me caressait la peau, et la fatigue qui n'était que sueur et engourdissement de mon esprit.
Je m'étais levé tôt ce matin là, je n'arrivais pas à dormir. Je me mettais dans tous mes états rien qu'à l'idée de me confier à Maya, si bien que réveillé aux aurores je n'avais eu qu'une idée en tête pour me changer les idées: le sport. Alors je m'étais rendu au parc, qui était presque vide à ces heures matinales, et m'étais mis à courir sous le regard curieux de quelques élèves, surveillants ou membres du personnels. Cela m'avait permis d'évacuer complètement et j'étais dans une sorte d'état second où la pensée n'existait pas.
J'avais retourné des milliers de fois dans ma tête la discussion qui allait venir sans trouver un moyen qui me convenait de commencer mes confidences. J'étais donc tourmenté par un tumulte d'émotions entre angoisse, colère, soulagement aussi, et de la tendresse pour ma nouvelle amie qui était si gentille ...
Je finis par m'arrêter, essoufflé et me laissai tomber dans un coin tranquille, près d'un étang. Je m'allongeai dans l'herbe, retirai mes chaussures pour libérer mes pieds de cette emprise et les trempai dans l'eau. Je frissonnai à ce contact, effrayé, fasciné, rassuré.
Et j'attendis Maya. Fermai les yeux et fis le vide dans mon esprit, serein comme je ne l'avais pas été depuis longtemps.

Maya marchait tranquillement dans le parc. Les mains dans le dos, elle réfléchissait à la discussion future qu'elle aurait avec Tobie. Elle comprendrait, s'il ne lui disait rien. Elle aurait fait la même chose avec une autre personne que lui. Mais, elle, elle lui avait tout déboulé, tout ça d'un coup, car elle lui fasait confiance. Plus confiance qu'à n'importe qui. Elle ne savait d'ailleurs pas pourquoi, mais c'était comme ça. Son regard balayait le sol à chacun de ses pas. Elle sourit vaguement. Quand même, ça lui ferait un peu mal qu'il ne lui fasse pas assez confiance pour le lui dire. Tobie était pour elle son meilleur ami masculin à cette heure. De plus, elle en avait eu assez, de personnes non confiante en elle. Elle fronça les sourcils et ferma les yeux un instant en s'arrêtant. La rosée du matin lui mouillait légerement le visage et les paupières. Mais l'odeur des fleurs tout autour lui plaisait bien et lui faisait reprendre raison.

* Ne pense pas à eux. Surtout pas.* se disait-elle.

Elle se calma et, pendant ce temps sans aucun bruit venant d'elle-même, elle entendit une respiration forte. Comme quelqu'un d'éssouflé. Elle tourna la tête : des arbres bordaient le chemin. Elle s'approcha, souleva quelques branches commencant à perdre quelques-unes de leurs feuilles et vit Tobie, assis devant un petit lac. Son pied s'enfonça dans de la mousse. Elle sourit, rosie, mais ne l'appela pas. Munie de ses ballerines noires, de sa robe bustier à jupe bouffante et d'un serre-tête blanc dans ses cheveux ébènes, elle eut peur de déchirer ses vêtements. Mais elle se rendit compte qu'elle s'en fichait plus qu'autre chose. Alors elle avança à travers les arbres et vint s'asseoir tranquillement aux côtés de son meilleur ami. Elle le couva d'un regard souriant.

- Salut. dit-elle calmement.

Il frottait ses pieds dans l'eau gelée du lac. Il avait l'air concentré. Cela ne l'étonnait pas. Il devait bouillir au fond de lui-même. Il était trop mignon. C'était ce qu'elle pensait. Même les garçons peuvent ressentir des sentiments aussi haïssables que la peur. Même s'il le cache. Maya cligna des yeux et rangea une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle continua, d'une voix fluette :

- Tu vas bien?

Vide. J'avais réussi à faire le vide dans mon esprit et je ne pensais plus à rien. Je m'étais finalement assis, frottant mes pieds pour qu'ils ne s'engourdissent pas dans l'eau froide et sursautai un peu quand la voix de Maya se fit entendre derrière moi.

- Salut. Tu vas bien? dit-elle d'une voix douce.

J'étais de trois quart par rapport à elle mais je lui souris. Je me tournai vers elle sans cesser de sourire.

- Ça va et toi ?

Je fixai ensuite l'eau. Comment aborder le sujet ? Je l'ignorai. Plusieurs pensées me traversaient la tête dans un désordre total. Je commençai alors par les exprimer à voix haute plutôt que de me torturer l'esprit. Je laissai celui-ci vagabonder et ma langue choisit elle-même les paroles qui me mèneraient doucement jusqu'à dévoiler exactement pourquoi j'étais venu à la Métha High School.

- Tu sais je crois qu'on a tous un élément qui nous correspond. Un élément ... auquel on est attaché, comme une puissante alchimie tu vois ? Qui fait que quand on est en contact avec lui tout devient possible, on peut dépasser ses propres limites ou au contraire les repousser pour être totalement apaisé.

Je repensai à notre repas la veille. Je revoyais Maya qui avait insisté pour m'annoncer que ses parents avaient été tués dans un accident de la route. Je me remémorais surtout Wika et son indifférence.

- Je me sens complètement minable parfois. Quand je te vois toi qui a voulu me dire pourquoi tu étais venu à ce lycée. Alors que moi je garde tout pour moi comme j'ai pris l'habitude de le faire. Ou même Wika. Il a eu une vie difficile, très difficile, il n'a même pas connu ses parents et il accepte ça comme on accepte le fait que le ciel est bleu. Mais moi ... moi il suffit qu'on évoque ce qu'il s'est passé cet été pour que je m'effondre.

J'eus un petit rire. Je marquai une pause pour mettre de l'ordre dans mes pensées et repris sur ce que je racontais avant.

- Tu vois moi par exemple il y a un truc entre l'eau et moi depuis que je suis tout petit. Si je fais de la natation ça n'est à la base pas pour nager. Juste qu'on m'a souvent cherché enfant alors qu'en fait j'étais juste au fond de la piscine en apnée en train de ... de m'apaiser quoi. Alors c'est resté.

Je sentais que j'arrivais progressivement vers les moments les plus difficiles.

- A côté de Wika j'ai eu une vie merveilleuse. J'ai bien vécu dans le confort, dans une belle maison avec des parents aimants. Une famille fantastique. Une petite-soeur adorable. Je m'en veux, je me sens nul envers Wika tu vois ?

Je me tournais vers elle, éternellement souriant, bien que je me doutais que mes yeux brillaient de larmes.

- Tu sais je crois qu'on a tous un élément qui nous correspond. Un élément ... auquel on est attaché, comme une puissante alchimie tu vois ? Qui fait que quand on est en contact avec lui tout devient possible, on peut dépasser ses propres limites ou au contraire les repousser pour être totalement apaisé.
Je me sens complètement minable parfois. Quand je te vois toi qui a voulu me dire pourquoi tu étais venu à ce lycée. Alors que moi je garde tout pour moi comme j'ai pris l'habitude de le faire. Ou même Wika. Il a eu une vie difficile, très difficile, il n'a même pas connu ses parents et il accepte ça comme on accepte le fait que le ciel est bleu. Mais moi ... moi il suffit qu'on évoque ce qu'il s'est passé cet été pour que je m'effondre.Tu vois moi par exemple il y a un truc entre l'eau et moi depuis que je suis tout petit. Si je fais de la natation ça n'est à la base pas pour nager. Juste qu'on m'a souvent cherché enfant alors qu'en fait j'étais juste au fond de la piscine en apnée en train de ... de m'apaiser quoi. Alors c'est resté.
A côté de Wika j'ai eu une vie merveilleuse. J'ai bien vécu dans le confort, dans une belle maison avec des parents aimants. Une famille fantastique. Une petite-soeur adorable. Je m'en veux, je me sens nul envers Wika tu vois ?

Tobie avait les larmes aux yeux. Il venait de lui dévoiler une partie de lui-même, ce qui fit que les larmes de Maya perlèrent à la lisière de ses yeux. Il lui avait fait confiance, et elle arrivait à le comprendre sur chaque point qu'il avait cité dans son petit récit, sauf un seul. Le dernier. Il s'en voulait par rapport à Wika. Mais, Maya pensait que ce n'était en aucun cas la faute de Tobie. Il n'avait pas à s'en vouloir. Wika vit et a toujours vécu comme ça, personne n'y peut grand chose, ici. Wika a eu cette vie et d'une manière ou d'une autre, il aurait vécu comme cela. C'est le destin. Mais Maya se fit violence pour ne pas lui crier dessus pour lui dire que ce n'était pas sa faute. Donc, comme nous le disions si bien, le destin a fait que chacun a vécu comme il aurait du vivre. Les malheurs de Tobie n'ont rien à voir avec Wika!

Un sanglot secoua Maya. Elle s'essuya les yeux du pouce. Elle dit, la voix tremblante, sans crier :

- Non, t'as pas le droit. C'est pas ta faute si Wika est comme il est. C'est vrai qu'il est unique en son genre, mais le truc que je veux te dire c'est que rien de ce qui s'est passé dans ta vie n'a un rapport avec lui. Ne te sens pas coupable!

Maya replia ses jambes sous elle et prit une des mains mouillée de Tobie dans les siennes et le regarda gravement. Elle reprit calmement :

- Ne te sens surtout pas coupable, tu m'entends! Je ne veux pas qu'il se passe de telles choses ici, hein... Et puis, en fait, il n'y a aucune raison que tu t'en veuilles. Je... C'est... bizarre.


Elle secoua la tête.

- En prenant compte que tu ne t'en veuilles pas, peux-tu me dire ce qui s'est passé cet été, ne? Enfin... si... si tu en as envie, je veux dire. fini-t-elle en baissant la tête. Et puis, tu sais, je suis comme toi. Je suis liée à la nature.

- Non, t'as pas le droit. C'est pas ta faute si Wika est comme il est. C'est vrai qu'il est unique en son genre, mais le truc que je veux te dire c'est que rien de ce qui s'est passé dans ta vie n'a un rapport avec lui. Ne te sens pas coupable! Ne te sens surtout pas coupable, tu m'entends! Je ne veux pas qu'il se passe de telles choses ici, hein... Et puis, en fait, il n'y a aucune raison que tu t'en veuilles. Je... C'est... bizarre.

- Je sais bien qu'il ne faut pas. (je secouai la tête comme pour me dire non) Mais ce que je veux dire c'est que je m'en veux de réagir comme ça. S'il y en a bien un qui devrait se mettre dans tous ses états c'est lui ! Pas moi !

L'entendre sangloter m'avait serré le coeur. Je ne voulais pas la rendre triste. Et je ne devais pas me laisser aller. Il en fallait bien un des deux qui soutienne l'autre non ? Je ne devais pas flancher car sinon on finirait tous les deux en larmes sans aucun des deux pour rattraper l'autre. Je serrai sa main qu'elle m'avait tendue et et plantai mon regard dans le sien. Il faut toujours un point d'ancrage dans ces moments là.

- En prenant compte que tu ne t'en veuilles pas, peux-tu me dire ce qui s'est passé cet été, ne? Enfin... si... si tu en as envie, je veux dire. fini-t-elle en baissant la tête. Et puis, tu sais, je suis comme toi. Je suis liée à la nature.

Je souris à sa dernière remarque bien que ce qu'elle avait dit juste avant m'avait fait tressaillir. Je crois que je ne m'étais pas livré une seule fois sur ce qu'il s'était passé. Il faut bien une première fois à tout non ? Alors je commençai à lui raconter.

- Ma petite sœur s'appelait Lola. C'était ... la personne que j'aimais le plus au monde ! Elle était pétillante, joyeuse, un peu comme moi je crois elle avait tendance à ne rien prendre au sérieux. En fait si elle était presque plus mâture que moi. Elle savait être sérieuse quand il fallait, mais elle n'en restait pas moins ma petite Paillette. Dès qu'elle a été bébé je l'ai emmenée dans l'eau. Nous avions presque dix ans d'écart et mon enfance a été illuminée par son arrivée. Alors au fil des années il s'est tissé un lien entre nous. Une complicité comme je n'en avais jamais vu entre un grand frère et sa petite sœur. Chaque soir, chaque fois que nous étions ensemble après l'école, les cours pour moi, nous allions nous baigner ensemble. On était presque inséparables.

Je déglutis difficilement, une boule dans la gorge.

- Un jour ... j'avais passé une mauvaise journée et j'avais un tas de devoirs pour le lendemain. J'étais énervé, stressé, j'étais en colère parce que je n'allais pas avoir de temps à consacrer à Lola. Elle était toute guillerette, me demandait si on allait se baigner, elle sautillait et insistait mais je devais lui expliquer que je ne pouvais pas ce soir-là mais je lui ai promis que le lendemain je serais tout à elle.

Je marquai une pause, mon autre main libre s'accrocha à l'herbe en la serrant tant que mes phalanges blanchirent.

- Je ne savais pas à ce moment qu'il n'y aurait pas de lendemain. Sinon j'aurai tout laissé tomber, je me serais pris des zéros, des punitions, des heures de colles, j'aurais tout échangé contre sa vie. Mais je ne pouvais pas prévoir ! Ma colère a redoublé. Elle a du sentir que je n'allais pas très bien et elle s'est presque mise à pleurer elle me boudait. Et puis j'ai explosé.

Un sanglot m'échappa et je le ravalai tant bien que mal.

- Je lui ai dit des choses horribles, Maya. Des choses que j'aimerais oublier. Je lui ai dit qu'elle n'était qu'une gamine pourrie gâtée. J'ai vu son petit visage inondé de larmes. Alors je l'ai laissée là. Mais je savais qu'elle était terriblement têtue. Et en plus de ça elle était énervée, blessée, tremblante. Elle a voulu se baigner.

Je m'arrêtai, j'étais légèrement essoufflé par l'émotion.

- Quand j'ai entendu ses cris mon sang s'est glacé. Quand je suis arrivé sur le bord de la piscine j'ai plongé tout habillé pour aller la libérer, puisqu'elle s'était emmêlée dans le fil du robot qui nettoyait la piscine. Mais quand je l'ai ramené sur le bord c'était trop tard.

Mon sourire n'avait pas bougé d'un cran, mon regard non plus. Mais je sentais bien que mes joues étaient submergées de larmes.

J'avais mis Maya dans tous ses états, je le sentais. Elle était visiblement bouleversée

- Humain. Tu es humain, Tobie. C'est normal de t'énerver, quelques fois, même contre ceux qui te sont le plus chers. Sinon, cela voudrait dire que vous ne vous aimiez pas. C'est pas ta faute. Tu t'es énervé, c'est normal. Elle, n'aurait pas dû réagir comme elle l'a fait. C'est... C'était ta soeur. Elle aurait dû comprendre que tu avait voulu être tranquille. Tu... Même si tu aurais été avec elle, elle... Elle se serait emmêler les pieds. Et à ce moment là... Elle n'aurait pas voulu que tu l'aides.

Je savais qu'elle avait raison. Mais me dire que c'était sa faute, qu'elle n'aurait pas du s'énerver. Lui reprocher des choses alors qu'elle n'était plus là ... ça me fendait le coeur. Même s'il fallait que je l'accepte.

- Je lui ai dis des choses tellement atroces. J'aurais préféré pouvoir lui dire à quel point je l'aime avant qu'elle ne ... avant qu'elle ne ... soit plus là.

Je me revoyais plongeant dans l'eau, l'étreignant, murmurant à son corps presque éteint "Reste-là, reste-là" inlassablement.

- Le destin ? Je n'en sais trop rien.

Je continuai un peu à raconter même si c'était de plus en plus difficile.

- Je savais que c'était trop tard j'avais déjà suivi des cours de secourismes alors je n'ai même pas pris la peine d'appeler les secours. Je suis resté des heures allongés à côté d'elle, jusqu'à ce que mes parents arrivent. A ce moment j'avais déjà attrapé froid et m'étais endormi de fatigue.

Maya était profondément touchée par mon histoire. Et moi j’étais chamboulé. Je me penchai vers elle et la pris dans mes bras pour qu'elle aille mieux, bien qu'il est vrai que j'avais aussi besoin de son soutien. Je retins un nouveau sanglot mais mes mains tremblaient.

Maya fut suprise. Les yeux ronds, les lèvres en un mouvement de surprise formant un "O", elle refoula un hoquet de d'étonnement. Il l'avait prise dans ses bras. Il avait besoin de réconfort, c'était évident. Elle sourit et le serra dans ses bras un bon moment. Quelques minutes passèrent et les larmes de Maya avaient céssées de couler, même si elles étaient encore présentes aux coins de ses yeux. Et elle avait arrêté de trembler. Tant mieux, parce que lui, oui. Elle joua avec une des mèches de cheveux de son ami avant de lui demander:

- Ca va mieux?

Elle regardait le lac, sur sa droite. Des petits caneton suivaient leur mère en formant des zigzag à la surface de l'eau. A en juger la position du soleil, Maya en déduit qu'il devait bien être dix heures du matin.Tobie ne croyait apparemment pas au destin. Maya, elle, y croyait plus que tout. Elle en avait eu de nombreuses fois la preuve. Mais elle préféra ne pas y pensé et passer la journée avec lui, en se mettant à sa place et en ne pensant pas que le destin puisse exister.

Maya avait l'air d'aller mieux. Moi pas. Ca me rongeait à l'intérieur et mes tremblements le prouvaient. Je me rendis compte que je n'avais besoin que d'une chose. Et malgré l'ouverture dont je savais faire preuve, ça j'avais beaucoup de mal. Je n'y pouvais rien c'était dans ma nature de cacher mes sentiments.

- Maya ...

Je souris faiblement, gêné.

- Ça te dérange si je ...

Lui demander cela était pour moi inhabituel j'appellerais presque ça du courage. Je lui adressai un regard penaud je n'arrivais même pas à aller au bout de ma question. Voir ses yeux rougis par les larmes m'attrista et je repensai encore à cette terrible histoire que je venais de lui raconter. C'en fut trop. Alors j'éclatai en sanlots.

Il éclata en sanglots. Ses pleurs lui firent penser aux siens il y a un an. Pendant quelques instant, elle ne bougea pas, ne sachant quoi faire. Puis, elle sécha les joues de son ami et le reprit dans ses bras. Cela devait être énormément douloureux à raconter. Mais il en avait eu le cran. Alors il avait carrément le droit de pleurer. Elle lui caressait la tête. Elle allait être très patiente. Et puis, il lui fallait quelqu'un tout de suite.
Maya observait les canards en se demandant si que si l'un des canards mourraient, que ressentirait sa famille? Un canard ne pleure pas et fait encore moins une dépréssion quand c'est la cas.
Maya resta muette un moment avant de lui glisser doucement à l'oreille.


- Tu sais, je m'en veux aussi de la mort de mes parents.

Elle déglutit.

- J'avais souvent souhaiter leur mort car depuis les quatre ans, il n'y a qu'une seule chose que j'avais osé demandé. Il m'ont tout offert sauf ça. Une petite soeur ou un petit frère.

Elle s'arrêta un instant.

- On est dans le même bateau...
Elle ressera son etreinte avant de fermer les yeux et attendre que les larmes lui viennent tranquillemenbt, comme à chaque fois qu'elle réalise qu'elle est peut-être la cause du décès de ses parents. Mais aussi parce que son meilleur ami était tellement triste qu'elle ne pouvait pas le supporter, alors elle le supporterais lui, mutuellement.

Je les retenais depuis que nous étions ensemble et ça me fit un bien fou de me libérer de cette emprise. Même si c'était dur pour moi. J'avais l'impression de mettre toutes mes pensées à nu devant Maya et je n'étais pas habitué à autant de sincérité. Elle me serra à son tour contre elle et je me laissai aller comme un enfant. Quand mes larmes se calmèrent je répondis à mon amie.

- C'est normal Maya. Beaucoup de nous un jour en ont marre de leurs parents et se disent "S'ils pouvaient disparaître !" Tu n'as pas à t'inquiéter pour ça.

Je lui caressai les cheveux pour la rassurer tandis que je sentais ses larmes couler dans mon cou. Je finis par lui glisser à l'oreille la pensée qui me taraudait depuis quelques minutes.

- Tu sais, moi je veux bien être ton grand-frère.

Ses larmes se stoppèrent net. Il venait de formuler tout haut ce qu'elle avait eu envie de dire, d'être sa petite "Imouto-san", sa petite-soeur. Mais elle trouvait que ça ferait trop égoïste de sa part. Elle sourit, heureuse qu'il l'est proposé.
Elle se retira de son étreinte et lui colla un gros bisous sur la joue, mais elle rougit un peu trop fort, parce qu'au Japon, les bisous, c'est... Enfin, voilà, quoi. Mais elle savait qu'ici, les bisous étaient signe d'affection. Elle lui sourit et dit :

- Alors, tu seras mon Oni-san et je serais ta Imouto-san.

Et elle lui refit un calin plus heureuse que tout.

- Oui, ce sont les noms affectueux que l'ont donne au Japon.

- La suite n'est pas joli-joli. Tu n'aurais pas aimé me connaître à cette période je t'assure ... Tu veux que je te raconte ?

- Raconte-moi tout. répondit-elle.

Maintenant, Tobie et elle était lié. Maya s'allongea dans l'herbe tout en lui prenant la main, ferma les paupières pendant qu'elle attendait que Tobie lui dise la suite de sa triste histoire. De toute façon, elle n'avait pas été choquée, mais seulement touchée et affectée pour lui. Maintenant qu'il était son "frère", il aurait toutes les raisons de lui dire ce qu'il a sur le coeur. Et elle aussi.
Et puis, quelque chose lui traversa l'esprit. S'il ne c'était rien passé de tout cela. Ils ne se seraient jamais rencontré.

Nous nous allongeâmes tous deux dans l'herbe en nous prenant la main. Je n'avais jamais réfléchi au destin mais en tout cas je croyais en l'énergie. Je me disais qu'en nous rapprochant comme nous venions de le faire (de façon affective) et en se tenant la main ça circulait mieux. Nous communiquions par la parole mais aussi par le corps. Elle m'apaisait en me transmettant sa sérénité et j'essayais de faire de même en la puisant dans le ciel.
J'y plantai mon regard. J'aimais bien le ciel. Je ne l'aimais pas comme j'aimais l'eau mais je le trouvais magnifique. En restant là à le contempler, je recommençai à parler.

- Ensuite j'ai été démoli. Dans ce genre de cas, on a plus tendance à voir les gens se renfermer, ne plus parler, entrer en dépression que sais-je. Mais pas à faire ce que j'ai fait. Je suis tout simplement redevenu moi-même. J'ai enfoui mes sentiments au fond de moi, comme je le fais constamment et je suis redevenu Tobie.

Si ça avait dur de raconter la ... la disparition de Lola, cette fois-ci ça n'était pas la même chose. Il n s'agissait pas de relater des évènements, je décrivais aussi mes sentiments et les raisons des épisodes qui suivirent. Je m'ouvrais totalement et ça n'était pas évident.

- Je riais, je souriais. Mais je n'ai pas pu. Je n'ai plus pu supporter mes amis. Ca a été ma plus grande erreur je crois. Plutôt que de leur parler, de leur hurler d'arrêter de garder sur leurs visages cet air pathétique de pitié, je me suis éloigné d'eux.

Voilà que je laissai place à la colère. Je me concentrai sur la main de Maya dans la mienne et refoulai ces mauvais sentiments.

- Je les ai perdus.

Maya regarda Tobie avec stupeur. Ce... ce qu'il venait de lui dire, elle avait vécu la même chose.

- Oni-san, quand mes parents sont morts... Mes amis avaient aussi pitiés de moi. J'en ai eu marre, je me suis enfuie ici. Je les ai perdus aussi!

Elle le regardait avec des ronds à la place des yeux et de la bouche. Alors là, elle ressentait vraiment ce qu'il avait pu ressentir. On arrive, on se sent vide et puis on les voit, ce qu'on aime, qui nous dévisagent, et la colère monte, monte, jusqu'à n'en plus pouvoir parce qu'on se sent seul et haït, étrangé. Et on coupe les ponts.

Maya regarda aussi le ciel. A son tour, elle y vit l'immensité du monde et la puissance que ça lui procurait. Elle aimait le ciel. Le bleu était sa couleur favorite. Mais le mieux, c'est la nuit, où les étoiles brillent. Elle sentit la chaleur de la main de son ami dans la sienne et elle ressenti un grand calme. Elle aurait aimé rester comme cela toute sa vie.

- Oni-san, quand mes parents sont morts... Mes amis avaient aussi pitiés de moi. J'en ai eu marre, je me suis enfuie ici. Je les ai perdus aussi!

Je hochai la tête et lui souris.

- Je sais tu nous en as parlé à Wika et moi, tu sais tu ne voulais pas qu'on te regarde avec compassion, pitié ou je ne sais quoi encore. Tu voulais que rien ne change. Je crois que c'est aussi un peu pour cela que j'ai accepté de me confier à toi. Je savais que tu comprendrais.

Je laissai un silence pendant que nous nous perdions tous deux dans le monde céleste. Et puis je repris, sentant ma gorge se serrer.

- Et après j'ai voulu trouver de nouvelles personnes à côtoyer. Je déteste la solitude. Des gens qui, même s'ils savaient ce que j'avais vécu, ne me regarderaient pas avec des yeux de chiens battus. Et les seuls personnes possibles dans ce cas-là c'étaient les pires. Je n'ai pas envie de me remémorer ces dernières semaines où je me suis retrouvé plongé dans une bande à commettre des délits, des rackets, des méchancetés qui auraient déçu Lola. Je ne suis pas fier de moi c'est sûr. Mes notes ont chuté, je suis devenu un élève perturbateur, insolent et un enfant horrible, insupportable.

Je frissonnai et fermai les yeux, honteux. Raconter cela à Maya m'insupportait.

- Alors mes parents ont décidé de tout me faire recommencer à zéro, et ils m'ont envoyé ici.

Tobie eut donc été un petit voyou. Maya lui sourit.

- Tu n'es plus comme ça de toute façon, hein?

Maya le dévorait des yeux, souriante. Son nouveau grand-frère était quelqu'un d'admirable, malgré sa chute. Il s'est relevé tel un héro. C'est ce que pensait Maya, en tout cas. Elle lui dit que, dans chaque livre qu'elle eu lut dans sa vie, chaque héro de l'histoire ont eu un moment de faiblesse et ils ont tous sombrés dans les ténebres. Mais tous se sont relevés et ont sauvés chaque vies qui leur tenaient à coeur. Ils ont ensuite étaient acclamés. Et dans ce cas là, c'est Maya qui acclame son nouveau grand frère.

Maya posa son autre main sur son ventre. Il gazouillait. Elle avait faim. Mais elle s'en contre fichait. Sa faim passera parce qu'elle était ici, avec lui.

Maya me dévisageait. Je me demandais ce qu'elle pensait. Ca ne devait pas être négatif puisqu'elle souriait. Je le lui rendis.

- Non je ne suis plus cette personne. Tu t'en serais rendu compte sinon ! ...

J'étais redevenu Tobie. Mais en même temps j'avais changé. Je le savais, on ne ressort pas sans blessure de ce genre d'épreuves.

- Quand mes parents m'ont annoncé la nouvelle je me suis mis en colère contre eux, je leur ai hurlé dessus. Et nous sommes restés comme ça, fâchés. Et puis j'ai relativisé, dans l'avion qui m'emmenait jusqu'à Miami je n'ai cessé de voir le visage éploré de ma mère. Alors je me suis promis de changer. Pour eux. Pour Lola

Pour eux, pour Lola.

- Tant mieux, répondit-elle. Tu sais, je suis fière de toi. Fière que tu sois mon nouveau grand-frère. C'est même un honneur!

Maya tourna la tête vers le ciel. Une nuée d'oiseau passait au-dessus d'eux.

- Ca te dit de revenir ce soir, pour voir le ciel étoilé, demanda-t-elle sans détourner son regard de la voute céleste.

Parce que admirer les étoiles, c'était vraiment son truc, et ça calmait.

Les compliments et remarques de Maya me firent chaud au cœur. Moi j'étais loin d'être fier de moi mais si ma nouvelle meilleure amie et petite-soeur l'était c'était déjà bon signe ... non ?

- Ca te dit de revenir ce soir, pour voir le ciel étoilé ?

Sa demande était poétique, cela me fit sourire. Moi aussi j'aimais beaucoup les étoiles. J'étais curieux de voir le ciel de Miami vu du parc du lycée, en pleine nuit.

- Oui cela me fit très plaisir. Et puis comme l'a proclamé ton ventre je crois que tu as faim non ?

Je lui adressai un clin d’œil puis un sourire espiègle. L'atmosphère se détendait nettement.

- Avant de se quitter, je pourrais t'infliger ce que tout grand frère doit à sa petite soeur...

Je marquai un blanc puis me jetai sur elle:

- Des chatouilles bien entendu, j'espère que tu les crains !